Les Connexions au Vivant

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Disclaimer: cet article relate exclusivement de mon expérience personnelle avec le CBD et ne constitue en aucun cas une promotion de cette substance ni du LSD. Les substances psychoactives comportent des risques potentiels pour la santé et des implications légales, il est donc essentiel de les aborder avec sérieux et en conformité avec la loi. Cet article vise simplement à partager mon vécu et ne doit pas être interprété comme un conseil médical ou une recommandation pour leur usage.

Les migraines, tout comme la fibromyalgie, l'endometriose et tout autres maux insidieux, font partie des enfers à bas bruit stigmatisés et incompris en nos sociétés. Les "c'est psychologique", les "prends un cachet, ça passera", les "p'tite chochote" et d'identiques clichés vides jalonnent tristement notre quotidien. Aux torrents de douleurs se greffent ceux de jugements culpabilisants.

Elles se sont emparées de moi dans ma jeunesse, se sont enracinées et avec le temps, enflèrent terriblement en fréquence et en sévérité. Les céphalés de tension, les névralgies d'Arnold ou les céphalés de Horton (aussi nommées, sans hasard, "migraines suicidaires") demeureront de simples termes, dépourvus de sens, à tous ceux qui se seront vu préservé de ces ténèbres, de leur portée. Nous, prisonniers de ces affres, savons ce qu'être happé par ces trous noirs, écartelé par leurs abysses et nos nerfs à vifs, sans répit, déchirés par leurs griffes acérés. Des heures, des journées enserré dans les bras d'une torture sans fin, par des globes oculaires sur le point d'éclater, d'une boite crânienne, à chaque systole du cœur, sous l'infernale pression endurée, prête à céder et exploser, un mal qui paralyse jusqu'à l'asthénie, qui enfante d'incessantes nausées, une face tiraillée et des vomissements répétés jusqu'au vide, à devenir un être zombifié.

Leurs coûts furent lourd. Tant de postes professionnels majeurs arrachés, trop de voyages, expériences, moments de convivialité avortés et d'innombrables réservations, acomptes à jamais engloutis dans le néant. Elles contribuent, intrinsèquement, à une petite mort, morale, sociale et physique, lente et certaine.

Une quintessence d'a priori arrive encore à s'incarner en des lieux présupposés d'écoute et de prévenance. Mes dernières visites à la médecine du travail furent les traversées de maremmes les plus scabreuses que j'eus à braver. Un épais mur de tranchantes dissensions, face à moi, s'était dressé par certains ersatz en blouses blanches à l'encontre de mes traitements "non-conventionnels" et contre ceux qui m'en avait donné accès. Ces dizaines d'années d'exploration à sonder les différentes voies pharmacologiques, les efforts inlassables d'une généraliste bienveillante, les sporadiques prises en charge, tels d'inestimables interventions séraphiques, d'un clinicien expert en médecine d'urgence et de catastrophe, doté d'un DIU en sédation-analgésie pré-hospitalière, à promptement abattre, par intraveineuses, jusqu'à l'ampoule d'Acupan, de colossales crises qui s'étaient muées en insoutenables et incontrôlables monstres froids. Tout cela vilipendé, ouvertement honnit par de sinistres playmobils aussi bornés qu'inexpérimentés.

Triptans, opoïdes, anti-inflammatoires et amitriptyline, voici les précieux boucliers me permettant de tenir en respect, précairement, cette sombre hydre intérieure. Mais, contre elle, rien n'est absolu et certaines de ses poussées arrivent à briser tout rempart, déployant librement sa fureur démultipliée et révélant en creux ce que renferment naturellement tout pharmakons, leurs limites. Fragile, nu face à cet ogre aux yeux viciés nous savons ce qu'il nous est laissé: pleurer, prier, accepter de se voir, par sa flambée de rage, dévasté, et aux archanges capables d'interférer, jusqu'au plus profond de notre âme, de tout notre coeur, les implorer.

C'est lors d'un renouvellement d'ordonnance que la confession inattendue s'est echappée: Ma généraliste voyait, étrangement, se cumuler les témoignages d'utilisation de CBD par quelques-uns de ses migraineux. A leurs dires ça "aiderait bien", par un effet de bord d'un état de détente engendré, à amoindrir les crises et augmenter leur prophylaxie. De cette suggestion posée, je décidais de saisir cette inconnue, et plonger dans cet océan inexploré du CBD, guidé par la lueur incertaine de l'espoir. Ma généraliste, tel une alchimiste, m'a rappelé les nuances, les mystères et les précautions de cette substance. Décidé de m'abandonner à un skin in the game incertain, mais dans l'obscurité de la migraine, le moindre éclat est un trésor.

Il est probable que certains, aux dogmes étriqués, jugent avec maladresse cette voie thérapeutique, la qualifiant d'exotique, d'étrange, peut-être même d'hérétique. Revenant à omettre ce que constitue l'étendue pharmacologique utilisé pour traiter ces maux, qui au fur des années s'organisa en un vaste jeu de siege musical, où des percées novatrices surgissent, d'autres se voient réévaluées, certaines molécules sont délaissées, réintégrées, portées au nu ou bannis à jamais. Rappelons-nous, le LSD-25, Père de tous les triptans, faisait ouvertement l'objet, hors-psychiatrie, de recherches sur le traitement des migraines extrêmes entre les années cinquante et soixante-dix. Ses implacables résultats conduisirent même certains medecins à l'utiliser, afin de soulager les douleurs de fin de vie, en soins palliatifs. Incontestablement, ce composé détenait le titre de vasoconstricteur le plus puissant, orchestrant sa magie en agissant comme un maestro sur les récepteurs sérotoninergiques 5-HT2A et sous-type 5-HT1. Mais comme tout acteur de la scène psychédélique, le LSD-25 fut finalement relégué dans les ténèbres en raison de ses effets psychotropes et de ses excès dangereux. Cependant, une Troisième Vague, subrepticement, s'annonce à l'horizon depuis quelques années. Un nombre croissant de laboratoires embrassent une nouvelle quête, explorant ces molécules et leurs applications dans le monde médical. Il se peut que, dans ce mouvement, l'ancien maître des migraines, le LSD-25, trouve sa rédemption. Une réhabilitation d'un pouvoir autrefois colossal dans le traitement clinique des migraines.

A entendre le tavernier du CBD-shop ses préparations dépassaient toutes panacées, leurs vertus infléchissaient les pires malheurs, de sa masse opaque de clients frappés d'Alzheimer, Parkinson, de différents cancers ou de douleurs chroniques, tous soulagés par ce prometteur breuvage. Outre l'expectative, je sortis de cette antre avec mon petit sachet de vingt-cinq grammes de cette mixture au goût Roobios, comprenant la concentration de principe actif la plus faible possible. L'occasion d'expérimenter ce remède survint en moins d'une semaine, alors que je sentais une crise algique déployait sa toile, et que je pensais édifier un vertigineux contrefort à mes cathédrales médicamenteuses en ingérant cette initiale tisane de CBD. A son premier contact, une ivresse factice, grossière, dénuée de toute complétude, de toute véritable sérénité, s'ancra brutalement. Une chimère clair-obscur en carton pâte qui, au-delà sa fausseté dérangeante, n'avait aucun effet, direct ou indirect, sur la douleur. En fond, cranté à ce pauvre cirque, je vis prendre pied sa réelle nature, sa pourriture. Une gangrène qui, peu à peu, rongeait tous les plans de la personnalité, infectait le sang, le corps, la psyché et l'inconscient. Tous les rêves, jusqu'à leurs plus petits espaces, sous son emprise, s'assombrirent d'une effrayante noirceur obsidienne.

C'est en mars dernier que je décidais de donner une seconde, et ultime, chance à cette substance. Sans surprise je retrouvais, à l'identique, son entière inefficacité et ses désolantes abîmes. Or, la traversée en terre onirique, toujours aussi obscure, de cette soirée fut surprenante. Alors que mon attention se fixa sur un détail aberrant d'absurdité, mon esprit saisit cette fine fenêtre pour s'extraire et recouvrer sa pleine lucidité. Le voile de l'inconscience une fois déchiré, j'observais l'environnement, ses nuages métalliques et opaques étendues à l'infini, son atmosphère lourde, sa luminosité réduite à l'extrême, la rue dans laquelle j'étais propulsée, son bitume chaotique, ses trottoirs sales et puants, ses quelques passants évidés ainsi que ses innombrables maisons mornes et délabrées qui jalonnaient ce pathétique chemin. Tous les clichés d'un vieux film d'horreur semblaient être exagérément et grossièrement, ici, compilés. C'en était presque trop. Même si l'évidente mise en scène était risible, son air reconnaissable entre mille m'indiqua en quelle strate je me confrontais, ce que Marc nomme communément et justement, les maraicages.

Pleinement conscient de ma condition au sein de ce rêve lucide aux décors grotesques, je décidai d'explorer avec une indifférence teintée d'amusement cette avenue cauchemardesque qui s'offrait à moi. Sur mon trajet un ectoplasme en costume, plus proche du croque-mort que de l'agent immobilier, m'interpelle. Il veut me faire visiter la maison qui trône devant nous. Afin de confirmer sa nature de PNJ, je me précipite dans la maison alors qu'il continue à parler dans le vide. A l'intérieur de la battisse, ils n'avaient rien oublié, le parquet grinçant, les moulures au plafond, le papier peint à moitié moisi et décollé, un gigantesque escalier central, des couches de poussière omniprésentes et quelques maigres bougies comme unique source de lumière.

Au cours de cette exploration divertissante à travers d'immenses pièces, je fis la rencontre d'une famille, le père, la mère et leurs deux enfants. Leur tristesse était palpable pour quiconque aurait croisé leur regard. Ils m'indiquèrent un calendrier accroché au mur, leur unique lien avec le monde extérieur, lequel les maintenait prisonniers de cette vieille demeure. Décidé à continuer mon exploration afin de rechercher d'autres individus qui seraient dans le même cas, je montais dans les autres étages, mais personne d'autre à l'horizon. Lorsque je redescendis, je vis que la famille avait mystérieusement disparu. J'étais donc seul dans cette immense maison. Ayant donc vu tout ce qu'il y avait à voir, je me dirigeais vers la sortie, or, impossible de trouver la porte d'entrée, les pièces se remodelaient sans cesse en infernal labyrinthe.

Les meubles, les portes, les pièces, plus rien n'était un repère fiable. Je remontais pour regarder le calendrier, et là, surprise, il fut réinitialisé, le cercle rouge entouré le premier jour. Ma négligence m'avait conduit à prendre la place de cette famille dans ce jeu angoissant. Essayant de quitter du regard ce satané mensuel, j'arrivais à faire changer les écritures, en nombres, en lettres, en chiffres romain et même en Phyrexian, mais rien ne pouvait modifier l'emplacement de l'entouré rouge. Dans une des rares pièces munis de fenêtre, j'eus tenté de sortir par ce biais, mais e me retrouvai systématiquement dans la même pièce, piégé dans une boucle sans fin, comme dans un jeu vidéo. A chaque passage devant le calendrier, je voyais le cercle se déplacer lentement. Les murs, le plafond, le sol semblaient inébranlables, résistant à tous mes assauts. Le cercle approchait des dernière dates, et à ce moment le croque-mort fit son entrée avec un couple pour la visite de la battisse, me permettant de retrouver la porte de sortie et regagner la rue, laissant ces jeunes tourtereaux à leur funeste sort. De l'exterieur j'ai tenté d'inspecter cette maison. A travers ses vitres on y voyait rien. Sur le trottoir, face à ce mystère, j'essayai de trouver des indices spatiaux, quand soudain, un cheval au galop fonce sur moi (oui, j'ai une phobie des chevaux), me réveillant instantanément.

Ce voyage onirique confirma ce que j'avais instinctivement pressenti, que le CBD est une substance profondément mentale, capable de tendre des pièges subtils et de créer des labyrinthes infinis dans les recoins de l'esprit. Ce fut la deuxième et dernière fois de ma vie que j'expérimentais cette molécule, reconnaissant, sans ambage, que son seul aspect agréable résidait dans son goût de Roobios.