mercredi 26. novembre 2025
Nexus - NewsLetter du 26 decembre 2023
Nos premiers pas fouleront une terre dévastée, appelés par les échos poignants d’une nature que nous avons impitoyablement ravagée. Chaque avancée révélera notre folie mortifère, notre hubris que les Yawanawas, ainsi que d’autres ancestraux gardiens de la Forêt, n’ont eu de cesse de nous rappeler:
La destruction de la forêt tropicale, la pollution des rivières, l'extinction de la biodiversité, et ce comportement est la raison pour laquelle le monde est malade. Chaque animal, chaque plante qui disparaît sur Terre est une maladie pour l'homme. [..]
De nombreuses entreprises créent des remèdes, des pilules avec Ayahuasca et d'autres plantes sacrées. Même si leur ingrédient actif peut guérir, ils sont des êtres divins et ils communiquent. Quand nous les avons entre nos mains, nous prions ces plantes, nous demandons la permission pour que le remède puisse venir, afin qu'elles nous pardonnent. Tu fais ça? Non! Tout ce que vous faites est pour le marché, pour votre ego.[..]
Lorsque nous comprenons qu'il est essentiel de se reconnecter, vous comprendrez pourquoi les peuples autochtones ne coupent pas nos forêts, ne mettent pas nos animaux en danger, ne polluent pas nos rivières, parce qu'ils sont tous sacrés. La forêt est mon école, mon laboratoire, mes maîtres sont là, nos musiciens, il y a une grande civilisation divine. Nous sommes les défenseurs de la forêt. Je ne suis pas un militant écologiste: Je suis la forêt, je suis la nature.
Ces vibrants appels, funeste réalité, n’atteignent plus nos cœurs sourds. Ils finissent, tragiquement, par se morceler sur l’écueil de nos sombres sociétés. Ce fléau est intérieur, il est en nous et une de ses plus profondes racines, au de-là de l’aveuglement, de l’inconscience, demeure le déni. Sur les cendres d’un monde qui nous a si longtemps abrité, nous préférons éterniser une frénétique danse macabre qui n’a que pour unique destination notre autolyse, alors que tous ressentons l’impérieuse nécessité d’un changement radical et profond de nos sociétés.

Nous sommes un nombre croissant à vomir cette valse folle, à voir la tragédie dans les courants qu’elle dessine et à constater, tristement, les sombres fondations qu’elle a enfanté: La peur, la violence, un court-termisme inébranlable, une glaçante apathie et un pillage absolu.
Un autre monde est encore possible, il est à notre portée. Ses restructurations pourraient phagocyter l’omniprésente immondice et panser le Vivant ravagé. Un tel model Une telle utopie réclame un prochain article de blog pour en dévoiler tous ses rouages et ses liens. En attendant, le dernier post de Loic Le Meur pourra en être une bonne introduction.
Abordant la terrible question des conflits qui traversent notre globe, il invoqua très justement le principe qui grouille en chacun de nous, et que nous avons tant refoulé: l’Unité, ainsi que son application directe, un gouvernement mondial. Rappelant la mondialisation déjà existante du trafic aérien ou d’internet (et son protocole TCP/IP), Loic évoque sa faisabilité et ses intérêts. L’établissement d’un état mondial, par absorption de toutes les nations en une seule, briserait mécaniquement toute possibilité de guerre inter-nationales ou religieuses. Cette stimulante proposition me pousse à continuer l’exercice de pensée, en imaginant comment celle-ci pourrait prendre forme.
L’envie d’un gouvernement mondial exprimée de la bouche de dirigeants, actuels ou passés, m’a toujours pétrifié. Leur aptitude à diviser, à semer la peur, à détruire méthodiquement les précieuses avancées sociales et les services publics, à noyer la société dans un flot continu de mépris, de mensonges répétés, et de cynisme insoutenable envers ceux qu'ils sont censés guider et protéger, leur surdité face aux voix qui s'élèvent pour résister à leur folie, pour résister à l'hypoxie promise par des forces obscures et des projets mortifères: toutes ces trahisons incarnées ont façonné nos sociétés délitées et pourraient très bien donner naissance à un ordre mondial totalitaire.
Un gouvernement mondial, un pouvoir si absolu, doit nécessairement émaner d’un degrés de conscience planétaire inégalé. Son essence devra se constituer de sagesse, d’empathie inconditionnelle, d’une clairvoyance dans ses choix. Ses vertus devraient irriguer chaque partie de ce super-organisme. Cette gouvernance ne doit pas représenter le monde, elle doit être le monde. La technique le permettant, son pouvoir doit être décentralisé, participatif et distillé en chaque individu. Ses représentants devront être encadrés par des mécanismes de surveillance inébranlables, de véritables gardiens du bien commun, prévenant toute tentative d'appropriation indue.
L’existant devra, structurellement, se reconfigurer. Partout des espaces d’agoras locales devront s’ériger, d’harmonieux lieux de vies publiques pourront prendre pied et devenir les piliers du social. La sine qua non protection du vivant ne devra pas s’imposer par nécessité, ni par contrainte, mais par conviction, par une prise de conscience et une compassion véritable. L’économie de la mort sera remplacer par celle de la vie. La survie devrait être, inconditionnellement, assuré à chaque individu (revenu de base, logement, accès au numérique, etc). En une telle société, le travail sur soi demeurera central, les outils de développement personnel, de thérapie, jusqu’aux retraites ancestrales pourraient non plus être réservés à quelques happyfews, mais être démocratisés et rendu accessible aux plus vulnérables. Voilà mon utopie, une vision que certains jugeront délirante: Un état mondial qui panserait les plaies de notre humanité par la bienveillance et la paix.
Loin de voir ces espoirs pieux prendre vie, certaines lumineuses avancées arrivent aujourd’hui à percer le brouillard de nos esprits torturés, esquissant les premiers pas d'une catharsis possible. L'imaginaire, tout d'abord, s'invite dans notre réalité. Une jeune entreprise française a conçu une réalité de science-fiction en introduisant dans notre quotidien des plantes bioluminescentes. Cette démarche ingénieuse se nourrit de l'essence du biomimétisme, puisant dans la nature ses inspirations les plus profondes. Ainsi, le végétal ne demeure plus une simple ornementation asphyxié par le béton, mais devient une pièce maîtresse de la ville du futur.
Les secousses dans le domaine de l'alimentation végétalienne et de la viande cultivée se font sentir avec une intensité presque explosive. La première détonation retentissante fut la proposition de loi du gouvernement italien visant à bannir la viande cultivée de son territoire, une initiative finalement abandonnée sous la pression d'une évolution capitale aux enjeux cruciaux. Pour les esprits les plus engagés, une plongée dans les méandres des protéines alternatives s'impose, comme en témoigne la vidéo éclairante de la GFI sur la situation actuelle. Bien que l'intervention d'Elliot Swartz sur le développement des différentes lignées cellulaires puisse sembler technique, elle demeure captivante. L'article consacré aux alternatives aux fruits de mer, et toutes les avancées qui les accompagnent, mérite aussi notre attention. Les protéines végétales poursuivent leur amélioration, notamment grâce à leur transformation en microgels, renforçant leur rôle essentiel dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, il est temps d'explorer le domaine de la conscience. L'Allen Institute, par une analyse minutieuse de la cytoarchitecture, vient d'apporter de précieuses avancées sur la compréhension des principes du néocortex humain. Parallèlement, un consortium d'experts a réussi l'exploit d'esquisser une carte plus complète du cerveau humain, ravivant ainsi l'espoir dans la lutte contre les maladies neurodégénératives. Nous pourrons finir cette courte exploration dans les méandres de la psyché par un excellent article sur le phénomène des voix, plein de nuance et d’éclaircissements.
Biensur, si le temps l’aurait permis nous aurions, aussi, pu aborder comment l’éléctricité pourrait guérir les plaies, comment un ingénieux projet de payphone pourrait se retrouver en nos lieux quotidiens, ou bien comment l’antibiorésistance infléchie l’épidémie de Cholera au Yémen.
Mais ce premier Nexus est suffisamment complet, pour céder sa place à un futur numéro.
En attendant, prenez soin de vous,
Pensées…
dimanche 26. octobre 2025
Le passage par Paris est toujours une souffrance, un stress, une folie. La traversée de cette gigantesque boue acide, de ce bas astral national, s'est imposée à tout déplacement ferroviaire qui permet de se catapulter au quatre coin de la France. Alors, afin de me préserver de ces affres, j'ai toujours opté pour le plus raisonnable, sauter de gare en gare par taxis interposés, en minimisant les points de contact avec cette glaçante entité. Non par suffisance, mais pour ce qu'elle est et ce qu'elle incarne: une omniprésence d'inhumanité, un condensé névrotique et une vertigineuse absence de beauté.
Mon voyage pour Nancy n'en était pas exempt. De plus, le nord et l'est de notre hexagone sont des régions qui, de prime abord, me rebutent. Pourtant, pour 48h, je dépassais cette aversion pour rendre visite à Denis, et me laisser convaincre par sa ville.
Mes premiers pas tout juste posés en terre nancéienne, la première action planifiée fut de rejoindre mon camarade chez lui. Or, plus j’avançais dans les méandres de cette métropole, plus je m’enfonçais dans un labyrinthe dantesque: Maps déraillait, aucune rue ne correspondait, les maigres repères sur lesquels je tentais de me reposer un à un s’evaporaient, plus rien n’avait de sens. Une heure trente de marche aura suffit à son Minotaure pour me zombifier. Cette ogre affamé venait de me dévorer.
Alors, venant à ma rencontre, délaissant ses impératifs, Denis, l’ange noir cyberpunk nancéien, m’extirpa de ces limbes. Une fois remis sur les rails, je repartis seul vers le centre ville, où mon AirBnB m’attendait. Naviguant dans le coeur de cette cité, ses courants paraissaient plus limpides, comme si l’agglomération se déliait et m’accueillait. Enfin les premiers points d’ancrage, les structures clefs de cet infini labyrinthe se dégageaient: La place Stan, les premières portes et parcs.

Mes affaires déposées à mon AirBnB, je prenais un moment pour admirer ce ouateux studio perché au 4éme étage sur les rives “Château Salins”, tel une éphémère garçonnière surplombant cette méga-ville grouillante.
Il restait trois heures, avant de retrouver Denis, pour errer dans les entrailles de ce cachalot urbain et découvrir ses pépites. Peu à peu, le temps et ma marche intuitive opérèrent comme révélateurs de structure. La place Stan, les portes rencontrées, les églises, bâtiments administratifs, le dédale de ruelles commerçantes, les enseignes, tous prenaient pied dans une topologie citadine qui, sous mes pas, commençait à se dévoiler. Des espaces que Thierry avait déjà, il y a prés de dix ans, psychanalysé et établi en ville de l'écrivain.
La place de l’Alliance est un oasis. Assis sur l’un de ses bancs, je contemplais à l’infini ses courants, jusqu’à leurs abysses. Une plongée dans chacun des recoins de cet havre de calme et de bien-être, où jaillissaient souvenirs, idées, sensations, émotions et une singulière paix intérieure.
Il était 18h25, et je devais partir, retrouver Denis place Stan. Arpentant les ruelles commerçantes, mon guide était déterminé à me faire découvrir les lieux les plus importants de sa ville.

Nous commençâmes à nous poser chez Mandaloun, un restaurant libanais, à l’enseigne modeste, presque cachée, qui brisa toute apparence. Car c’est autour de la dégustation de délicieux mezzés que, enfin, nous prenions le temps d’échanger nos espoirs, nos utopies, nos aventures, nos craintes, et voyions nos convictions profondes, nos mondes se renforcer ou s’entrechoquer.
Une fois le corps rassasié par les succulents mets libanais, nous repartions avec l’objectif de dénicher une table d’un bar suffisamment calme pour initier quelques games de Magic The Gathering. Parmi la nébuleuse de tavernes qui jonchaient ces ruelles, Le Ch’timi s’imposa comme l’inevitable, le plus attractif, le plus idéal des champs de bataille. Même si sa terrasse était saturée, son intérieur était déserté. Ses tables nous tendaient les bras. Les Virgins Mojitos sirotés furent le sablier du combat des deux magiciens qui, dans une atmosphère crépusculaire, laissaient pleuvoir leurs sorts en une ambiance amicale. Ce soir là, deux monoU s’entrechoquaient, les Merfolks peuplaient les lieux alors qu’une bibliothèque control (Bascule) annihilait tout déploiement, toute croissance.
Il était presque 22h, et nous regagnions la Place Stan. Car, en période estivale, à cette heure, par un processus de Mapping (identique à celui du Château de Blois), les façades de ses bâtiments s’illuminent et entre en une danse féerique. Le spectacle est magnifique, presque magique. Pourtant, entre deux gorgés de Virgins Mojitos, Denis et moi n’avions pas pu nous empêcher de relever les quelques passages d’utilisation de la technologie IA, affreusement manifeste.
Comment terminer une telle soirée ? Quelle ultime activité pour conclure ces quelques heures qui furent si riches et précieuses ? Par une exploration Urbex ! Pour des considérations évidentes de confidentialité, votre humble serviteur ne vous livrera, ici, aucun indice significatif sur ces lieux foulés. Toutefois, l’air si chargé, presque éthéré de cette première expérience, de ces étendues, de cet infini labyrinthe qui marqua à jamais mon encéphale fut si fort et singulier, que je dois par ces lignes continué de le faire vivre.
L’obscurité absolue se lovait à un silence assourdissant. La froideur du vide. Notre unique présence comme résistance, comme témoin de l’abandon, par une plongée glaçante dans les abîmes, un voyage irréversible au coeur du refoulé, de l’inconscient collectif, et, surtout, du notre.
Il était presque minuit quand je regagnais la chaleur de mon AirBnB.

Ma liste d’endroits à découvrir suggérés par Denis était suffisante pour occuper bien plus que ma journée. Commencé par le quartier Saint Sebastien, je sautais d’églises en églises, de parcs en parcs, de rues en rues. Le parc de la pépinière, la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation, le Muséum-Aquarium ainsi que le jardin Alexandre Gordon allaient, je le savais, se graver à ma mémoire.
Les kilomètres à sillonner la métropole creusèrent une faim qui m’emmena au Osaka StreetFood, un restaurant que m’avait conseillé Denis. Comme le restaurant libanais, cette petite enseigne aux spécialités japonaises ne jouissait pas d’une superficie ample. Cependant, ces quelques petits mètres carrés suffirent à exprimer l’excellence, à faire naître une inégalable et précieuse alchimie: Un accueil chaleureux et prévenant, un aménagement charmant, des denrées fraîches et de qualités composées telle la partition d’une symphonie de saveurs somptueuses.
Bien sûr, rappelons que ces auberges, jalonnant mon séjour à Nancy, vers lesquelles mon guide m’introduit, remplirent les exigences de mes habitudes alimentaires. Tous étaient VeggieFriendly.
Le délicieux bol de ramens digéré me donna la force pour repartir et affronter le labyrinthe nancéien.

Un autre spot que je devais rejoindre fut la Galerie 72. Cette antre qui renfermait une fascinante et fragile disruption, me scotcha net. Déjà, le concept: faire cohabiter une brocante atypique avec un espace dédié aux accessoires et à la culture du Skateboard. La partie brocante, contrairement aux habituels antiquaires, ne saturait pas de bibelots poussiéreux, ne sentait pas le renfermé, mais avait tout d’une boutique classique avec des allées ainsi que des étales aérées et ordonnées. Les articles peuplant cette caverne néo-retro venaient, dans l’écrasante majorité, des années 70, 80 et 90, agencés par espaces: electro-retro, friperie, art de la table, jeux. Un paradisiaque shoot de nostalgie pour ceux qui, comme moi, ont grandi dans les années 80. Une troublante bascule s’opère quand vous franchissez la partie Skate-boutique. Tout aussi agréable, un univers récent, coloré et neuf vous ramène à ce domaine et à sa cool-attitude. Incarnant, en cette seule échoppe, deux mondes interconnectés, qui résonnent par leurs échos.
Le reste de l’après-midi s’imposait comme une dernière flânerie urbaine. Pause à l’église St Sebastien, le petit parc Charles III avant de retourner à mon AirBnB pour commencer à rassembler mes affaires.
18h30. Je partais rejoindre Denis et son amie qui m’attendaient pour 19h devant la Fnac. Or, une demi-heure n’aura pas suffit à me permettre de trouver ce point de RDV. Pourquoi n’ai-je pas appelé Denis ? Car, je l’avais déjà exagérément dérangé durant ces deux jours, et que malgré le nombre de personnes sollicités pour m’indiquer mon chemin, j’étais déjà passé devant cette enseigne, je me savais tout près, et sans pouvoir l’approcher je savais que mon obstination dévorante suffirait à me faire regagner ce lieu. Pourtant, c’est avec quinze minutes de retard que je les retrouve, devant la Fnac qui, finalement, se trouvait face à la gare. Malgré mes excuses et les circonstances exposés, même s’ils tentaient de le dissimuler, je les sentaient intérieurement froissés. Les discussions engagées lors du trajet vers NemoBowl permirent de dénouer progressivement ce léger incident. Autour de nos PokeBowls, les sujets de discussions s’enchainaient, nous parlions architecture, cinéma, ésotérisme, technologie et culture, alors que le ciel, au dessus de nous, petit à petit, s’assombrissait dangereusement.
Une fois NemoBowl quitté, nous traversions la ville pour retrouver un lieu que Denis souhaitais plus que tout, à juste titre, me faire découvrir: Le Court-Circuit. L’entrée en cet îlot de sérénité fut le bouquet final de ce séjour en Meurthe-&-Moselle. Rassemblant en son sein une épicerie de vrac Bio, un café/bar et un inégalable lieu de vie. Géré de façon associative, ce lieu est l’incarnation de mes espoirs, mes utopies. Un mini-Darwin installé en plein cœur de l’urbain, portant une démarche de localisme, d’écologie et de bienveillance. Même si, dehors, à tout moment, les étendues nuageuses d’un gris métallique menaçaient de faire basculer la ville dans un violent orage, ce cocon semblait nous en protéger. Le mobilier me fascinait, de la recup’, des constructions impeccablement fabriquées en palettes, des canapés, tables, chaises, rien de brouillon ou délaissé, tout y était méticuleusement pensé, fait, soigné et agencé.
Alors que nous finissions nos verres, l’amie de Denis nous quitta pour des raisons manifeste d’épuisement. De là, toujours sur cette table où Révolution, Dream et Love étaient gravés, nous décidions d’engager quelques ultimes combats de Magic. Sous un filet recouvert de lierre, dans une atmosphère tamisée, avec une terrasse peu occupée, où les parties de jeu se succédaient, le temps semblait suspendu. Jusqu’à la fermeture, nous savourions ce moment magique.
C’est dans une air électrique et menaçante que nous partagions un trajet de retour comme prétexte à de profondes discussions, qui mêlaient métaphysique, mysticisme et science. Un stimulant échange qui prit fin par nos chemins divergents pour rejoindre nos chaumières respectifs.
Arrivé à mon AirBnB il n’a pas fallu dix minutes pour que le puissant orage s’abatte. C’est donc dans la froideur et dans une sombre matinée pluvieuse que je regagnais les glaçants TGV parisiens, tel un supplice, un “chemin de croix”. Et, enfin regagner ma belle Sologne.
P.S : Toutes mes plus vibrants remerciements à Denis, pour toutes ces pépites partagées, ce guide exceptionnel qu’il fût, et l’humain entier que je suis fier de côtoyer.

samedi 15. mars 2025
Peut-on contrôler l'incontrôlable ? Le confort nous préserve autant qu'il nous anesthésie. A tel point que sa nature, éphémère et précaire, s'est entièrement évaporée de nos champs imaginables. La réintégrer, reviendrait à accepter une part que nos civilisations ont refoulées: notre fragilité.
Loin des omniprésents clichés vendus comme modèles, allant d'indécentes propriétés instagramables, d'inégalables états de santé frôlant l'immortalité, d'une délirante jouissance permise par des dégueulées d'opulence sans borne, jusqu'aux récentes acquisitions de gigantesques bunkers perchés en Nouvelle-Zélande, parallèlement, une humanité lutte avec la réalité. Nous, étrangers de ces cocons artificiels, dansons sur une sinistre ligne de crête où les moyens de survie restent conditionnés. Tout peut nous être arraché. La maladie, le deuil, la guerre, un accident, ou une catastrophe peuvent abruptement nous plonger en l'enfer de la pauvreté la plus absolue. Ces lambeaux de vie qui s'effacent pour ne laisser place qu'à une existence condamnée, une survie dans sa forme la plus violente, sans toit ni ressource, rongée par les affres d'un combat quotidien pour ne pas mourir de froid, de faim, ou foudroyée par une quelconque bactérie ou pathologie. Des milliers d'années n'ont pas suffit à la prétendue conscience supérieure qu'invoque notre espèce pour enfanter une société harmonieuse, où l'intégrité de chacune de ses cellules, chaque individu, y serait inconditionnellement préservées et pansées, où le vivant dans toutes ses formes devrait constitutionnellement être protégé. Voilà les toutes premières briques d'une réelle humanité.
Comme vous le savez j'ai oeuvré, durant plus quinze ans, dans le domaine du prompt secours, en qualité de formateur et de secouriste. Oscillant entre des statuts de bénévole et de salariat, j'ai formé des milliers de personnes aux premiers secours, dans les entreprises, les écoles, aux JAPD, et en interne, armant d'un savoir avancé de prompt secours ceux qui allaient rejoindre notre flotte d'équipiers secouristes. Des compétences et une pédagogie qui me firent confiées par des instructeurs passionnés, des infirmiers anesthésistes, des médecins, des ambulanciers, tous attachés au SMUR de mon département, et que je n'ai tenté que de transmettre.
Autour de ce fil rouge, mon parcours professionnel dans la discipline de la biologie, initié par une formation en laboratoire médical, m'emmena à arpenter les plus importants laboratoires biomédicales et services de soins de ma région: Hématologie/Hémostase, Biochimie, neurovasculaire, réanimation, etc.
Par ces activités d'équipier secouriste et par mes missions à l'hôpital, je fus témoin de l'implacable fatalité, j'ai assisté à des tragédies humaines, j'ai entendu des sanglots de détresse qui auraient pu briser les cieux, et, de mes yeux, j'ai vu le choc saisir et ravager.
L'expertise incontestée de la structure de secours que j'avais intégré, dans la réponse d'urgence aux catastrophes à l'international, m'ouvrit des expériences et des compétences qui, au fur et à mesure de mes implications aux exercices préfectoraux, aux différents plans déclenchés, aux CAI et CHU déployés, et aux formations des acteurs de l'urgence dispensées, dressèrent une globalité, une modeste pensée.
Frappé par un drame d'une quelconque nature, individuelle ou collective, nous ressentons son souffle nous happer, plonger en une glaçante terreur et une profonde sidération. Comme sonné par un uppercut. Cet état temporaire de KO est le seul moyen à notre psyché pour, du choc, nous préserver. Le temps laissant, peu à peu, l'inconscient absorber l'aporie, nous reprenons progressivement nos esprits.
Cet impact en nos armatures psychiques est inévitable. Voir, sous ses pieds, son monde se fissurer puis s'évaporer demeure un tsunami émotionnel singulier pour une existence humaine. De ce point critique, certains auront la chance de se relever, alors que d'autres, à jamais perdus, sombreront.

Comme évoqué plus haut, ma conviction, jugée d'utopie, reste que de tels dispositifs garantissant à tous la survie et une dignité suffisante, sans condition ni stigmatisation, devraient se trouver au coeur des fondements d'une civilisation mondiale supposément humaine. Or, nous en sommes loin. Et, c'est précisément ce vide laissé qui appel, par nécessité, quiconque à échafauder ses réponses individuelles. La première étape d'une telle entreprise consisterait à un simple exercice de pensée. Après avoir listé toutes les éventuelles tragédies (maladie, accident, catastrophe, ...) qui pourraient frapper, les avoir classé par ordre de probabilité, nous devons, en chacune d'elle, nous projeter et nous questionner: Qu'est-ce qui, quand le sang, les larmes, la douleur ou la violence devient omniprésents, pourrait m'aider et optimiserait ma résilience ?
De cette plongée en ces abysses acides naîtront nos différentes stratégies préventives et curatives. Bien que, effectuée avec l'exigence requise, cette quête introspective renferme une dérangeante sensation. Celle des intimes reflets que ce froid miroir psychique nous renvoi. Notre rapport à la mort, la maladie, à la fragilité, et à tous les spectres noirs innés à nos incarnations que nous refoulons sous le tapis de notre quotidien.
Imaginez-vous dans votre petite maison isolée, enchâssée par les arbres d'une foret insondable et pleine de vie, où, en cette belle journée estivale, règne tranquillité et harmonie. Alors que votre playlist préférée diffuse ses bonnes ondes en fond, vous vous attelez à la confection d'un bon gâteau dans votre cuisine. Jusqu'au moment où les tocs à la porte vous arrachent de votre activité. Devant vous se dressent deux pompiers. Ils vous informent qu'un feu sans précédent s'approche à une vitesse folle, et que vous n'avez plus que dix minutes maximum pour quitter votre domicile avant que celui-ci périsse dans l'infernal mur de flammes.
Il vous faudra du temps pour retrouver vos esprits, absorber la situation, sa brutalité, et vous préserver de la panique. De là, plusieurs questions s'imposent: Dans une telle configuration, que prendre ? Est-ce que dix minutes suffiront pour tout rassembler ? Comment vivre l'après, faire le deuil de tout ce qui a été laissé, ce cocon, ce petit univers et tous les souvenirs qui lui sont attachés ?
Voilà l'une des mise en abyme que j'inoculais à mon auditoire, lors de mes formations à la réduction des risques, pour faire naître le trouble, l'échange et la réflexion.
Instinctivement, l'évocation d'une évacuation comprend l'idée d'un sac d'évacuation. Ces paquetages, clef de voûte du monde survivaliste, qui inondaient Youtube durant les années 2010, doivent être dépassés. Disons-le clairement, la quasi-totalité des évacuations auxquelles nous pourrions être exposés s'effectueraient vers des points de chutes personnels (amis, hotels, etc) et des CHU ou CAI. Alors, pourquoi voir dans un tel sac des badés de scies, bâches, butagaz, et autres poids morts initialement réservés au camping ? Rappelons que, selon la situation, les CAI ou CHU mis à disposition proposerons boissons chaudes, lits "picot", sanitaires ainsi qu'un soutien médical et psychologique.
Au quatre coin du globe des gouvernements invitent leur population à s'insérer en une telle démarche. Pour notre hexagone, le Plan Familial d'autoprotection (récemment mis à jour) incarne cette invitation à la préparation. Or, cet outil de travail demeure une base et non une finalité. Ses éléments pourront se fondre à notre démarche, en les adaptant, en les courbant, en les revisitant totalement, en brisant leur limites.
Ici, vous l'aurez compris, l'unique moteur de ces lignes n'est pas de vous suggérer du "clef en main", comme un énième gadget poussiéreux peuplant notre habitat, mais bien de saisir ces concepts et les intégrer comme parties d'une application beaucoup plus vaste, jusqu'à notre quotidien. A l'époque, nous nous appuyions sur le CataKit (sac à visée pédagogique, non commercialisé) pour provoquer les débats et évoquer ses upgrades possibles par nos apprenants. Outil permettant une premiére approche des besoins élémentaires de se nourrir, boire, se soigner, se proteger, et de constater qu'ils s'articulent différemment selon que vous soyez célibataire ou une famille, selon votre localisation géographique (et ses risques), urbaine ou campagne, selon vos moyens de transports et vos différentes contraintes (maladies, etc.).
Ce travail de fond est une opportunité à repenser ses fonctionnements en profondeur (en y joignant un solide ménage de printemps). Une refonte autant matériel qu'immatériel. Armé d'un mindset remodelé qui permettrait de, quelque soit la menace, naturellement, tout absorber. Il y a quelques années Geoffrey Dorne confessait, alors que les box fibrées s'imposaient comme standard dans tous les foyers, n'avoir que comme seul accès à internet le partage de connexion de son smartphone. Dès lors, comme moi surement, auriez-vous hâtivement condamné ce choix à ses limites sans percevoir ce qu'il renferme: un exercice stimulant de sobriété numérique, une flexibilité, une légèreté et, surtout, une grande mobilité. Cette capacité de nomadisme permettant, en cas d'exode forcée, de garder inchangé ses habitudes de connexion.
Par cet exemple, appuyer ma conviction: Dans l'arrachement, les morceaux de notre monde doivent nous suivre. Ce sont les éléments qui font notre quotidien (vêtements, informatiques, nourriture, etc.) qui doivent peupler nos solutions d'évacuations, pour des considérations psychologiques évidentes.

Enfin, notre réflexion doit couvrir tous les angles. Jusqu'à l'éthique. Nous savons ce que la pourriture humaine peut enfanter. Combien d'animaux domestiques, chaque année, sont abandonnés, laissés au plus funeste sort, par ceux qui, pourtant, avaient juré de toujours les protéger, mais se précipiteront, sournoisement, quelque temps plus tard, de trahir toute forme de valeur humaine pour la "tranquillité" d'un départ en vacance, un projet impensé de reconfiguration du foyer familial, ou par une simple et capricieuse lassitude consumériste. Et ça, en temps normal. Imaginez en période de crise, cette folie démultipliée. Quelques soient les circonstances, ces immondes lâchetés doivent à jamais marquer leurs auteurs au fer rouge. Nous, humain, avons déjà intégré nos compagnons non-humain, comme membre à part entière de notre famille, aux préparatifs de résilience, en prévoyant carnets de santé, certificats I-CAD, caisses de transports, nourriture, à toutes éventuelles évacuations.
Nos plans permettront, évidement, de proposer de l'aide (mutualisée) à notre voisinage frappé d'une mobilité limitée en cas de fuite nécessaire. Notre vision demeure celle de la solidarité et coopération.
Ici, une clarification s'impose. Ces lignes ne seraient, en aucune façon, une ode au mouvement survivaliste. Répétons-le: si un brasier nucléaire ou une quelconque comète finissaient par raser notre humanité, je préférerais mille fois périr avec cette dernière, plutôt que de survivre avec ses rescapés. Car je sais trop bien quel type de société, d'eux, naîtra. Un champ de ruines perpétuel fondé sur la peur, la domination, l'hostilité, la violence et un individualisme poussé à son climax. Dès lors, j'entend certains me crier que la démarche survivaliste inclut l'entraide. Oui, mais une entraide si conditionnelle, si intéressée, si viciée qu'elle devient pure simulacre, qui laisse dans chaque écart, dans chaque présupposée menace, le pretexte à accoucher d'effroyables bains de sang. Aucune structure horizontale et globale, aucune volonté de démocratie directe, aucun réel commun, harmonie et empathie ne peuvent prendre pied en ces forteresses isolées (BAD). Pourtant, malgré ses idéos rances et ses excès, ce mouvement apporta des concepts majeurs (sac d'evacuation, EDC, etc.) et les premiers jalons d'une prise de conscience.
Avant de voir notre quartier, nos villes, notre pays ou notre Terre emportés par un incident naturel ou technologique, nous ressentons une crise traverser nos existences. Celle d'un systeme qui entre en son crépuscule. Une mort programmée que nous sentons, jour après jour, fatalement, se rapprocher. Par le délitement quasi-exponentiel de nos services publiques, de nos réseaux de santé, nos dispositifs sociaux, nos transports, l'energie, tout devient impensé, impensable et glaçant d'absurdité. Ce commun que nos aînés avaient étayé après la guerre, qui permettait à chacun d'être soigné gratuitement, de se voir préservé de la pauvreté, ou de pouvoir se déplacer, se chauffer à des couts acceptables, ce commun qui aurait pu ouvrir la voie du bien-être à d'autres pays fut la cible privilégiée de la horde de fossoyeurs qui n'a eu de cesse de saturer les lieux de pouvoirs de notre hexagone depuis plusieurs décennies. Piller, piétiner, saigner ce que la sueur du collectif a bâti, jusqu'à l'hemorragie, jusqu'à l'asystole. Et se gaver, jusqu'à l'aveuglement, jusqu'à l'hubris, jusqu'à devenir, dans les rires et le cynisme, les contre-maîtres de la destruction, de la mort.
Un jour, l'État fut nu. Ces jours où la pandemie du SRAS-CoV2 fut un révélateur, une mise en lumière de leur crasse incurie. Les essentiels étaient absents. Des masques attendus de Chine. Les masques improvisés avec des lambeaux de tissus. Alors que la peur guidait notre belle population à dévaliser les rayons de pates et de PQ, le corps soignant était équipé de simples sacs poubelles comme unique protection contre un virus omnipresent.
L'effondrement rampant. Aujourd'hui, c'est un nombre croissant de personnes qui se retrouvent sans medecin generaliste, sans possibilité d'être accepté sur la liste des patients de dentistes, d'ophtalmologistes et autres specialistes, interdit d'IRM ou de scanner. Savez-vous ce que cela fait de se voir abandonné par le seul édifice qui est censé, sans condition, soigner un mal qui viendrait nous foudroyer, de se voir démuni, esseulé, face à une maladie qui, en nous, s'installe et ne cesse de nous ronger? Pouvez-vous imaginez la terreur vous happer alors que, dans la detresse, la douleur extreme et l'agonie, vous vivez en pleine conscience vos derniers instants, chez vous ou sur un froid brancard (ou une toute aussi froide maison de retraite), dans la plus insondable indifférence? Voilà ce que leur systeme fou et leur chienlit a enfanté.

Alors que s'effrite les derniers pilliers de notre société, ma conviction reste qu'un maillage collectif doit se dresser. La nature de ses liens serait l'écoute, la bienveillance, l'empathie, la solidarité, l'humanité et la protection du vivant. Une toile qui, structurellement, prendrait soin de chacun de ses individus. Où chaque noeud serait un.e référent.e ou une référence (un lieu). Et, où ses noeuds doivent pulluler, et la toile s'étendre et se densifier. Non pas en se coupant de notre société, mais bien, à bas bruit, en son centre, s'enraciner.
Pour ça, armez-vous d'un savoir qui nourrira votre pouvoir personnel, en vous formant aux premiers secours, à l'herboristerie, au jardinage, à la mycologie, à la couture, apprenez l'électronique de base, la méditation, à nager ou tout autre domaine qui vous parlera et que vous jugerez essentiel.
Alimentez le local, nourrissez votre écosystème rural, tissé un lien fort avec les artisans qui peuplent votre centre-ville, achetez votre pain chez le boulanger, vos fruits à l'AMAP ou chez le maraîcher, vos livres chez le libraire, etc. Nos îlots de résistance et de résilience.
Occupez vos FabLabs. Qu'ils demeurent vos QG dans la lutte contre l'obsolescence programmée. Qu'ils abritent la créativité, l'échange et la convivialité qui vous ressourceront.
Autant que vous le pouvez, adoptez la June afin qu'elle irrigue vos initiatives, vos interconnections, qu'elle s'érige comme pierre inoxydable de confiance au commun.
Tout les lieux où, tels les cellules d'un corps, vous vous coagulerez, transmutez-les en de rayonnantes auberges espagnoles. Faites que ces undergrounds tissés demeurent le baume sur les carences d'un système condamné, qu'ils accueillent et préservent votre collectif, votre individualité. De ces sanctuaires de convivialité, seront pensés et construits un espoir, un avenir meilleur, une destinée.
Face aux ténèbres qui nous enserrent, contre leurs chimères puantes qui dévorent notre monde, contre ses limbes, sa cruauté qui a métastasé les âmes et les coeurs, soyez les anges gardien du vivant, incarnez la générosité, la beauté, la compassion, l'amour, la Conscience.
Prenez soin de vous et de votre monde...
jeudi 20. février 2025
Il était de ceux dont le départ à la retraite laisse un vide abyssal. Stephan Pietrons n'était pas qu'un vétérinaire. Il était de ces figures tutélaires que l'on ne songeait pas à voir partir. Un pilier, un repère, un éclat d'humanité qui, pendant quarante ans, aura veillé sur les plus vulnérables, les invisibles, ceux qui n'ont ni voix, ni droits, ni recours : les animaux.
Dans un monde où la médecine vétérinaire a troqué le soin contre le protocole, la compréhension contre l'automatisation, la compassion contre le rendement, il faisait figure d'exception. Il n'était pas de ceux qui alignent les examens superflus pour remplir une facture. Il était de ceux qui écoutent, qui regardent, qui comprennent, qui soignent avec la seule arme qui vaille : l'expérience et le cœur.
Son cabinet n'était pas un cabinet. C'était un havre, un lieu où la médecine vétérinaire prenait tout son sens. Un espace aux murs saumonés, hors du temps, où chaque consultation se tissait de discussions sur la biologie, le cinéma, et la vie. Car Le Dr Pietrons ne soignait pas seulement les bêtes. Il prenait soin des âmes.
Il en fallait, de la patience, de la générosité, pour répondre toujours présent. Pour ouvrir quelques fois ses portes en dehors des horaires, pour accueillir les animaux blessés, pour se battre contre l'inéluctable, pour panser le corps et alléger la fin quand il n'y avait plus d'autre issue. Combien d'êtres vivants doivent leur survie à ce vétérinaire sans artifices, armé d'une simple radio, d'un automate rudimentaire, et d'une connaissance qu'aucun algorithme ne saurait remplacer ? Je fus témoin de toutes ces vies sauvés in extremis, quand d'autres cabinets, froids et procéduriers, les auraient laissés pour morts au nom d'une procédure aveugle ?
Nous avons trop peu de figures comme lui, et déjà, elles disparaissent sous l'ombre croissante des cliniques aseptisées, où l'on ne voit plus un animal malade, mais un client solvable. Où l'on soigne moins qu'on ne facture. Où l'on prescrit plus qu'on ne comprend.
Aujourd'hui, son absence laisse un vide. Immense. Brutal. Non seulement pour ceux qu'il a accompagnés, mais pour ce que son départ symbolise. Il était de ces êtres qui rappellent que la médecine n'est pas qu'une science, mais un art, un engagement, une relation. Une humanité.
Il habitera toujours la mémoire de ceux qui ont croisé sa route. Dans le regard d'un chat sauvé. Dans le silence de ceux qu'il a accompagnés vers la fin. Dans les souvenirs d'une époque où l'on soignait encore par nécessité et non par opportunisme.
À jamais, vétérinaire. À jamais, humain.

dimanche 07. avril 2024
Rédigé dans l'obscurité du 20 mars 2024:
Jusqu'à son dernier souffle, cette délicate boule de neige se dressa en archétype de bravoure et de douceur.
Contre cette brutale et cruelle bactérie mangeuse de chair, jour après jour, je l'ai vu lutter, et en un combat qui fatalement la condamné, nous fûmes les témoins accablés de toutes les forces qu'elle, héroïquement et silencieusement, déployait.
A aucun moment, alors que ma mère et moi faisions couler des pluies d'antibiotiques sur ses tissus laissés à vifs pour espérer, vainement, freiner la progression folle de ces insondables creusés microbiens, et alors que les transports chez le vétérinaires se succédaient d'une façon exponentielle, que les injections et autres tortures se cumulées, jamais elle n'exprima de rancœur à notre égard, jamais elle n'eut de réactions violentes, pas un seul coup de griffe, elle ne montra qu'une faible résistance, une douleur murmurée comme unique rébellion. Témoignant de la résignation entière à cette tragédie, à son triste sort, et de la confiance inconditionnel qu'elle n'eut de cesse, malgré tout, de nous porter.
Ces immondes bacilles ne rongeaient pas seulement son esprit et sa chair, ils dévoraient affreusement son énergie, sa vie. Dieu en est témoin, j'ai tout essayé pour arrêter ce sinistre compte à rebours, en modifiant son alimentation pour la remplir de noix de Saint-Jacques et de rillettes de thon. En vain. Jour après jour, son corps se vidait, devenant une ombre de ce qu'elle avait été, un squelette fragile, passant ses derniers jours cloué dans un doux et ouateux plaide qui lui fut dédié.
Lorsque le froid s'empara de son corps pour la dernière fois, enveloppée dans une épaisse couverture molletonnée, sa patte gauche dépassant, je plaçais deux de mes doigts contre ses coussinets pour la réchauffer..Au moment de les retirer, ce petit corps inerte sortie ces griffes, pour m'agripper et me retenir. Alors je restais. Plusieurs fois nous répétions cette déchirante danse, jusqu'au moment où elle décida de me laisser partir. Ce fut notre dernier échange, gravé à jamais dans mon âme.
Face à cette confession, les rires moqueurs et l'arrogance des cœurs atrophiés pourraient tenter d'envahir cet espace. Je les laisse se noyer dans leur orgueil, leurs préjugés nauséabonds, leur médiocrité et leurs ténèbres. Ils ne pourront écraser ces lignes. Cette ode est une nécessité impérieuse, destinée à tous ceux qui comprendront la profonde gratitude que j'éprouve d'avoir connu cette adorable petite créature et d'avoir partagé nos vies pendant près de 19 ans.
Sachez-le, j'ai toujours vu plus d'humanité dans chaque animal que dans la majorité de ceux qui peuplent mon espèce. Son combat n'était pas seulement contre la maladie, mais aussi contre une société qui, trop souvent, refuse de reconnaître la profondeur des liens qui unissent tous les êtres vivants.
Très chère Aspirine, ma tristesse et mes larmes sont l'encre de cette maigre oraison funèbre, qui loin d'être un simple adieu, demeure un cri déchirant vers les cieux, un refus de laisser l'oubli consumer la mémoire d'une âme si précieuse. En attendant, la Valériane et l'Opium apaiseront les blessures du vide que tu laisses. Les liens du cœur ne se brisent jamais. Dans la roue des incarnations, nous nous retrouverons.
Repose en paix, ma chère Aspirine, dans la sérénité d'une existence éternelle.
Tendres et éternelles pensées...
Sidoine B.

lundi 24. avril 2023
La douleur ne s'estompe jamais. Elle reste ancrée dans notre cœur et dans notre âme, chaque jour qui passe, chaque instant qui s'écoule. Aujourd'hui, nous commémorons les 108 ans du génocide arménien, un massacre perpétré contre notre peuple, notre culture, notre identité.

Je ne peux m'empêcher de penser à toutes ces vies brisées, à tous ces rêves anéantis, à tous ces êtres chers perdus. Comment peut-on oublier la terreur qui a régné dans les villes et villages arméniens, les déportations forcées vers des camps de la mort, les massacres brutaux, les viols, les tortures ? Comment peut-on ignorer la négation systématique de ces atrocités par les autorités turques, la complicité de nombreux pays qui ont préféré fermer les yeux, le silence assourdissant de la communauté internationale ?
Nous commémorons aujourd'hui cette tragédie pour ne jamais oublier, pour honorer la mémoire de nos ancêtres et pour rappeler au monde que justice n'a pas été rendue. Nous n'oublions pas que ce génocide a inspiré d'autres horreurs, d'autres violences perpétrées à travers le monde. Nous n'oublions pas que la haine, la xénophobie et le racisme ont encore cours aujourd'hui, menaçant à nouveau notre humanité commune. Alors, aujourd'hui, je rends hommage à tous ceux qui ont souffert, à tous ceux qui ont lutté pour notre survie, à tous ceux qui ont perdu la vie dans ce génocide.
Je prie pour que leurs âmes reposent en paix et pour que la justice soit enfin rendue.
Nous n'oublierons jamais.

jeudi 23. février 2023
Ce billet est la copie de mon post FaceBook publié le 23 février 2023
En cette vaste bouffée délirante à ciel ouvert, où coexiste apparat et réalité, autolyse et survie, hubris et abnégation, nos sociétés semblent manifester les prémices de leurs obsolescences. Les temps sont cycliques, et les civilisations rompues laissent place à de nouvelles. Toutes les richesses que nous avons acquises, de connaissances, de créativités ou d'échanges, qui permirent d'assurer notre survie et un certain confort matériel, semblent révéler nos carences inavouées et leur terrible fuite en avant.
En fond, un courant enfle, une future révolution qui peu à peu, en réponse, à nous se propose: celle de la Conscience. Une évolution impliquant une refonte radicale de l'existant, faisant éclore une population considérant ses erreurs passées, ses mauvaises décisions, et repensant ses fondements par une réelle sagesse où la protection sine qua non du vivant serait omniprésente, où tous les règnes, Minéral, Végétal et Animal, seraient préservés de notre déraison, et de notre cruauté. Un collectif conscient de son hyposensibilité, de son hypoxie, de ses valeurs intrinsèquement humaines à retrouver, de sa structure sociétaire, de sa consommation et ses moyens de production à réviser en profondeur.
Partout, des initiatives en ce sens se déploient. Parmi elles, entre autres, celle de Loic Le Meur. Un entrepreneur français, pionnier du Web au début des années 2000, qui fut happé durant près de 5 ans en plein coeur de la forêt Amazonienne, à une singulière initiation à la médicina, cumulant intensément Dietas, Vision-Quests, cérémonies et autres savoirs ancestraux qui le transformèrent à jamais, par une conscience élargie et, in extenso, une haute sérénité. De retour, il fonda PAUA.life afin de relier, et non plus opposer, deux concepts majeurs “Ancient & future Technologies”:
“Nous avons l'opportunité de réintégrer les connaissances anciennes dans notre civilisation moderne pour créer un nouveau récit pour l'humanité qui offre une vision positive de l'avenir de notre civilisation. Paua est la création de connexions entre le monde matériel et les royaumes spirituels, tout en offrant une exploration dans un large gamme de connaissances anciennes. Paua explorera l'avenir du Web3, du metaverse et de l'IA ainsi que comment la conscience peut être la base fondamentale pour conduire des affaires, des applications et la transformation de soi. Nous offrons un espace aux personnes visant les mêmes esprits pour se réunir, pour rêver de notre avenir, pour activer leur but de vie et se rappeler de la responsabilité que nous avons en tant que gardiens de cette planète.”
Les drones, originaires du domaine militaire tombés dans le civil, ont commencé à prendre pied en certains secteurs. Dans l'audiovisuel, pour tous les plans aériens qui nécessitaient la mobilisation d'hélicoptères ou autres moyens importants, aujourd'hui ces drones s'y sont substitués comme solution moins coûteuse, infiniment plus pratique et, surtout, beaucoup plus écologique. Idem dans le secteur de l'expertise de bâtiments, où un entrepreneur comme Vincent s'est saisit de cette innovation pour fournir de précis diagnostiques immobiliers et topologiques, grâce à de petits et puissants aéronefs tenant dans quelques valises.
Outre quoi, ces avancées technologiques sont considérables, tout en réduisant nos impacts sur l'écosystème, leurs applications n'en sont qu'à leur début. En fevrier dernier sortait une publication de l'ERC évoquant les bénéfices majeurs des drones dans les soins d'urgences, par l'apport de matériel médical: DEA, anticonvulsivants, antihistaminiques, etc.
Vous le savez, durant près de 18ans j'ai été engagé en une activité de prompt secours, en qualité de secouriste puis de formateur. Mes ami.e.s, certains d'entre vous m'ont transmis ce savoir précieux, technique, théorique, pratique ou pédagogique. Pansant au mieux, à vos cotés, les giclées de sang, les os brisés, les malaises saturés et la détresse traversée, ainsi qu'en formant le grand public ou les futures flottes d'équipier.e.s, tandis que, parallèlement, ma formation professionnelle m'emmena à accéder aux plus grands services et laboratoires de la région (Hematologie-Hemostase, Neurovasc, Réa, etc.). Alors, comme vous, je sais les drames qu'un délai trop long dans une prise en charge peut engendrer, et comment les drones pourraient y pallier.
Ils pourraient même remodeler notre système médical actuel, permettant un maillage en des zones désertées ou inaccessibles, livrant un traitement ou matériel nécessaire sur place, mais également, on peut l'imaginer, transporter des échantillons biologiques pour analyse, ou bien déposer des Cogniscans, des EEG/ECG miniaturisés où il y aurait besoin.
Ce changement est à notre portée. Malgré ça, depuis 2014 nos sociétés l'ont ignoré, préférant orienter cet outils pour le contrôle de la population (cf. Chine), l'escalade militaire, la livraison de fastfood ou la livraison de commandes Amazon dont nous connaissons l'impact écologique délétère.
Toutefois, je suis convaincu que cette opportunité sera saisie. De part son accessibilité. J'ai vu plusieurs châssis de drones imprimés au Fablab Robert-Houdin, et avec quelle facilité un tel projet pouvait prendre forme. Et d'autre part, les appuis du secteur privé (similaire à PAUA) qui, par ses prises de conscience émergentes, désinvestiront le superflu et la nocivité pour alimenter d'autres directions plus alignées à un monde toujours plus conscient, lucide de ses conséquences, de ses choix et ses défis.
dimanche 25. avril 2021
Avant-hier, au détour d'une discussion avec Eric et Emeline, émergea un souvenir de lycée, que je souhaitais ici également vous confier: mon accès, par voisin de classe interposé, à un collectif secret et occulte. Alors que l'angoisse du bug de l'an 2000 avait gagné tous les esprits, un autre épiphénomène dissimulé se déployait à notre hexagone: la FLNJ (Front de Libération des Nains de Jardin).
Depuis quelques jours, mon habituel voisin de table semblait éreinté. Après de longues négociations, lui assurant mon silence, il finit par m'exposer son appartenance à la FNLJ, me délivrant ainsi tous ses rouages profonds: le repérage, la saisie des nains, nécessitant en amont l'étayage complexe d'une stratégie, d'un plan B, voir C, puis de leur libération en forêt.
Un matin, avachi sur son dessin tech, il me confia, emplie de joie: "hier soir, on en a libéré cinq". D'autres mâtinés, arrivé en des états déplorables, où il profita des premiers cours de la journée pour, par somnolence, récupérer d'expéditions nocturnes beaucoup plus sportives, par leurs interminables poursuites de colossales Bergers-Allemands.
Ce mouvement qui, nationalement, naquit en 1996 à Alençon contamina les quatre coins de notre pays, jusqu'à ce que, avec les années, mon voisin et quelques-uns de ses amis se décident d'embrasser cette cause et en constituer leur petite cellule à l'échelle communale. Avec le temps, le phénomène prit une importance, par le nombres de libérations croissantes, tel qu'il poussa les policiers municipaux à œuvrer contre cette lutte, et nécessita pour les libérateurs plus de vigilance.
En plein cœur de cette guerre froide, certains torchons torpillèrent ce mouvement et son folklore, en incriminant et réduisant ses agissements au simple délit de vol, tentant de gangrener les esprits, faisant passer ces joyeux lurons pacifistes pour de dangereux terroristes.
Pourtant, imputer quelconques traits de délinquance à mon voisin de classe et sa petite poignée de camarades, serait au mieux de l'incompréhension, au pire une pure forfaiture.
Chaque nuit, tous les écueils bravés, afin de rendre la liberté au maximum de nains en pleine forêt, alors que les lampes frontales n'existaient pas encore, armés, uniquement, d'ingrolables torches électriques Mazda, et de mobylettes Peugeot 103SP trafiquées avec pots Ninja. A chaque exfiltration de nains, était laissé un mot disant, en substance: "Nous avons libéré vos nains, ils sont actuellement en forêt[lieu exact]. Signé FLNJ". Le constat fait, qu'il n'y avait nulle volonté de nuire, mais uniquement s'adonner, humainement, à un jeu. Les mots "Sans armes, ni violence, ni haine", auraient pu y figurer (chacun aura la ref)
Réduire cette action au vol, c'est masquer volontairement toute la portée hautement symbolique qui se jouait: la libération d'êtres en captivité. Jeu, complicité humaine et humour que notre société a su annihiler. En 2006, la fin des activités de la FLNJ, laissant derrière elle quelques émissions radio, articles et témoignages comme le mien. Témoignage permit par ce voisin de classe qui me livra, nûment, toute la mécanique interne de ses quelques semaines en cette mouvance.
Merci à lui,
Liberez-Les Tous...
dimanche 04. octobre 2020
Texte publié le 16 juin 2020 sur mes réseaux sociaux
Aujourd'hui, triste anniversaire, Tupac SHAKUR aurait eu 49 ans.
D'une vie arrachée, à l'age de 25ans, par quatorze balles de son corps criblé, obligeant, depuis, l'humanité orpheline à errer en ses limbes.
Indéniable plus grand rappeur de tous les temps (tous ses successeurs ne seront que de pales copies), traversé par la survie d'un milieu qu'il transmuta par la mise en lumière de ses causes sociétaires profondes et ses violences .
Outre sa prodigieuse carrière sur la scène hip-hop, tel la minuscule partie visible de l'IceBerg, son oeuvre, occultée, infiniment plus vaste et subtile, témoigna de sa réelle nature d'artiste, par l'abondante écriture de textes, de pièces de théâtre, etc.
Auteur de Thug Life - acronyme de The Hate U Give Little Infants Fucks Everyone -, enfant de Black Panthers, meurtri par l'injustice structurelle, ébranlant le système en ses racines qui, selon les hypothèses de certains, par son potentiel politique, précipita à son exécution inévitable.
Luttant, de ses précaires forces, alité, souffrant ses derniers instants, d'une existence éphémère, dont son incarnation foudroyante laissa l'emprunte à notre peuple de son unique volonté, de voir se hisser une société meilleure, plus en paix, et intrinsèquement humaine.
Devant un corps médical démuni par la fatalité, son coeur cessant de battre, puis émettant son ultime expiration, Tupac, nous insuffla la plus belle arme, l'espoir.
ICantBreath