dimanche 07. avril 2024
Rédigé dans l'obscurité du 20 mars 2024:
Jusqu'à son dernier souffle, cette délicate boule de neige se dressa en archétype de bravoure et de douceur.
Contre cette brutale et cruelle bactérie mangeuse de chair, jour après jour, je l'ai vu lutter, et en un combat qui fatalement la condamné, nous fûmes les témoins accablés de toutes les forces qu'elle, héroïquement et silencieusement, déployait.
A aucun moment, alors que ma mère et moi faisions couler des pluies d'antibiotiques sur ses tissus laissés à vifs pour espérer, vainement, freiner la progression folle de ces insondables creusés microbiens, et alors que les transports chez le vétérinaires se succédaient d'une façon exponentielle, que les injections et autres tortures se cumulées, jamais elle n'exprima de rancœur à notre égard, jamais elle n'eut de réactions violentes, pas un seul coup de griffe, elle ne montra qu'une faible résistance, une douleur murmurée comme unique rébellion. Témoignant de la résignation entière à cette tragédie, à son triste sort, et de la confiance inconditionnel qu'elle n'eut de cesse, malgré tout, de nous porter.
Ces immondes bacilles ne rongeaient pas seulement son esprit et sa chair, ils dévoraient affreusement son énergie, sa vie. Dieu en est témoin, j'ai tout essayé pour arrêter ce sinistre compte à rebours, en modifiant son alimentation pour la remplir de noix de Saint-Jacques et de rillettes de thon. En vain. Jour après jour, son corps se vidait, devenant une ombre de ce qu'elle avait été, un squelette fragile, passant ses derniers jours cloué dans un doux et ouateux plaide qui lui fut dédié.
Lorsque le froid s'empara de son corps pour la dernière fois, enveloppée dans une épaisse couverture molletonnée, sa patte gauche dépassant, je plaçais deux de mes doigts contre ses coussinets pour la réchauffer..Au moment de les retirer, ce petit corps inerte sortie ces griffes, pour m'agripper et me retenir. Alors je restais. Plusieurs fois nous répétions cette déchirante danse, jusqu'au moment où elle décida de me laisser partir. Ce fut notre dernier échange, gravé à jamais dans mon âme.
Face à cette confession, les rires moqueurs et l'arrogance des cœurs atrophiés pourraient tenter d'envahir cet espace. Je les laisse se noyer dans leur orgueil, leurs préjugés nauséabonds, leur médiocrité et leurs ténèbres. Ils ne pourront écraser ces lignes. Cette ode est une nécessité impérieuse, destinée à tous ceux qui comprendront la profonde gratitude que j'éprouve d'avoir connu cette adorable petite créature et d'avoir partagé nos vies pendant près de 19 ans.
Sachez-le, j'ai toujours vu plus d'humanité dans chaque animal que dans la majorité de ceux qui peuplent mon espèce. Son combat n'était pas seulement contre la maladie, mais aussi contre une société qui, trop souvent, refuse de reconnaître la profondeur des liens qui unissent tous les êtres vivants.
Très chère Aspirine, ma tristesse et mes larmes sont l'encre de cette maigre oraison funèbre, qui loin d'être un simple adieu, demeure un cri déchirant vers les cieux, un refus de laisser l'oubli consumer la mémoire d'une âme si précieuse. En attendant, la Valériane et l'Opium apaiseront les blessures du vide que tu laisses. Les liens du cœur ne se brisent jamais. Dans la roue des incarnations, nous nous retrouverons.
Repose en paix, ma chère Aspirine, dans la sérénité d'une existence éternelle.
Tendres et éternelles pensées...
Sidoine B.