Les Connexions au Vivant

CATEGORIES

ARCHIVES

"Mon cerveau n'est qu'un récepteur, dans l'Univers il y a un noyau dont nous obtenons connaissance, force et inspiration. Je n'ai pas pénétré dans les secrets de ce noyau, mais je sais qu'il existe" ~ Nikola Tesla

Disclamer: Ce texte n’a d’autre ambition que de partager un témoignage personnel, une exploration introspective et sincère de ces substances ancestrales. À aucun moment il ne cherche à encourager l’usage des psychédéliques, strictement illégale en France et ailleurs, qui, malgré leur immense potentiel thérapeutique, nécessitent un cadre rigoureux, une préparation méthodique et l’accompagnement éclairé de professionnels de santé. Toute prise de ces substances, qu’elle soit expérimentale ou médicale, renferme des dangers. Une mauvaise gestion du set & setting, une incompatibilité physiologique ou psychologique, ainsi qu’un non-respect des contre-indications peuvent engendrer des conséquences graves. Ce récit est écrit dans un esprit de réduction des risques, avec la conscience que ces expériences exigent une responsabilité individuelle et une connaissance approfondie de soi.

Set & Setting: Première séance psychédélique | 15g de Psilocybe Atlantis (frais) | Seul, bandeau sur les yeux, position padmasana | Fond sonore : chants Icaros | Jeûne depuis la veille, prise à 14h | Sauge blanche et copal pour purifier l'espace.

Il y a des hivers plus pénibles que d'autres à traverser. Ce dernier fut humide, sombre et triste. Les premières percés du printemps sonnèrent comme une délivrance, une désolation balayée. Au fur et à mesure, les champs jaunirent, les sols s’asséchèrent et le ciel, tel un dôme infini et ouateux, se colora d'un magistrale bleu turquoise. Au parc, à l'ombre d'un amas d'arbres, un groupe de jeunes rigolaient et discutaient de leurs projets lors des imminentes vacances d'été, alors que sur le terrain de basket quelques autres, torses nus, enchaînaient quelques paniers.

Existe-t-il une période idéale pour explorer les limbes psychédéliques pour la première fois ? Surement. Mon affinité pour les temps estivaux me le fait supposer. Une question de Set & Setting. Même si l'appréhension flottait en fond, il m'était essentiel de rassembler le maximum de facteurs agréables et sécurisants, même les plus anodins. Alors que le Micro-Dosing dévoilait un indéniable effet positif, s'était imposé, peu à peu, une tentative par un dosage conventionnel. L’intérêt était de voir comment pouvaient se comporter mes migraines durant une période post-dose macro.

Pour cette approche initiale, je fis le choix de prendre 15g de Psilocybe Atlantis (un dosage classique), répartie en 10g dans un premier temps, puis les cinq autres si tout est ok, comme le suggérait Balthazar. La forme "cérémonielle" était une condition sine qua non, par respect pour l'Esprit du Psilocybe (EP), pour sa dimension sacrée et pour tenter de perpétrer un rituel ancré à notre humanité. Une intention devait être posée. Celle-ci, toute première invocation, revêtait volontairement un champ générique, presque anodin : Connaitre ma nature profonde.

Il y a quelque chose de particulier et fort dans cette sollicitation. A cette entité toute puissante, capable d’exhausser jusque vos souhaits les plus impensés, avec le pouvoir de vous propulser dans les strates astrales les plus lumineuses et les plus hautes, ou bien, vous plonger en des limbes glaçantes et infernales qui vous briseront, psychologiquement et physiquement. A ce demi-Dieu, vous émettez une demande irréversible résonnant comme une reconnaissance de sa grandeur, de votre humilité, de votre dévotion.

Le procédé était identique à celui de mes méditations: bandeau sur les yeux, position Padmasana sur mon fauteuil, encens brûlé et musique en fond. A la différence des trip-stoppers, trip-killers, de ma gourde remplie d'eau et des quelques mets hypersucrés laissés à proximité.

Alors que je venais d’ingérer ma première portion de Psilocybe, que je restais focus à ma décontraction musculaire, contrôle respiratoire et ma vacuité cérébrale, une sensation dérangeante s'installa. Semblable à celui d'un empiffrement d'une tonne de chocolat, comme un ecoeurement de tout mon corps. Avec lui, une nausée importante, que j'arrive miraculeusement à traverser par ma concentration sur la musique en fond. Un autre trouble, peu à peu, prit pied. Celui de remouds de plus en plus importants, se déployant progressivement, partant du bas ventre pour traverser tout mon tronc, mon cou et mon crane. Etrangement, cette marée intérieure n'avait rien de désagréable. Ses vagues ne trouvaient racine dans aucun organe, cellule ou élément corporel, elles ne n'était ni flux électriques ou quelconques radiations, mais un flux si subtil, si physique et pourtant si impalpable, tel une sensation aérienne, presque céleste. Des courants, fluides et doux, assez similaires à ceux qui me traversèrent lors de ma première SHC, à l'exception qu'ils restaient cadenassés au corps.

Au cœur de ces mouvements, une idée s'imposa. Celle de me plonger à l'exercice de l'enfant intérieur. Dans mon jardin intérieur, je sers dans mes bras ce gamin écorché, ce petit être brisé pour, une nouvelle fois, tenter de panser ses profondes et indélébiles déchirures. Pourtant, un événement inattendu s'invita, une froide réflexion émergée des tréfonds de mon inconscient : Je suis sa partie supérieure qui le console, mais pour moi, qui sera là pour m'écouter, me rassurer et m'aider ? Personne, je serais sans aucun appui sincère, esseulé, abandonné nûment à la tragédie, à la souffrance, et condamné à vivre mes derniers instants, ma mort, dans la brutalité et la solitude la plus absolue.

Alors que cette terreur, en toutes mes cellules, se diffusait, un grand Etre, de nulle part, apparu et m'enserra dans ses bras. L'EP glissa à ma conscience une évidence que je vivais en direct: Cette entité était mon Moi-Supérieur, il sera toujours là quand la situation l'imposera. Sa présence débloqua toute angoisse latente. Une sensation de sérénité s'installait, tel un lointain calme retrouvé.

Dans cette douceur intérieure, un point d'ombre s'invita: Et pour mon Moi-Supérieur, quelqu'un est-il là pour lui (car sinon, le problème ne fait qu'être déplacé) ? D'un coup, on me montra qu'un être supérieur sera là, et pour cet être supérieur, un autre encore plus supérieur et ainsi de suite, me laissant entrevoir un vertigineux jeu de poupées russes infini. Et, en son sommet, La Conscience, qui est seule à contempler pour l’éternité sans que cela ne lui pose aucun problème.

Face à ce potentiel purificateur et ses caractéristiques gouvernables, je décidais en pleine montée de prendre les cinq derniers grammes de Psilocybes.

Une image, avec force, perça le vide intérieur. Celle de ma tante de Bordeaux, décédée dix ans plus tôt. Troublé par l'émergence de cette figure, car, j'en été certain, le travail de deuil fut pleinement effectué. Mais, exagérément, ce flot de souvenirs s'efforçait d'heurter les rivages de ma conscience. Pourquoi ? En réalité, il n'était pas question du lien avec ma tante, mais bien d'un traumatisme infusé dans le trajet, dans les lieux, dans l'air et en chaque instant de cet arrachement.

Tous les moments furent revécus : Les heures de TGV avec ma mère pour rejoindre le corps sans vie de sa soeur, la splendide architecture romane de l'Hopital Saint-André, ses soignants doués d'une écoute, d'une bienveillance infinie, et l’atmosphère si agréable de ce lieu, contrebalançant la violence de voir une dernière fois ce corps froid et amaigri. Sans parler de ce lieu infâme d’"hébergement des familles", où une nuit se mua en une torture sans fin, par ses injonctions à participer aux activités communes, à engager des conversations, un intérêt avec les inconnus qui peuplaient ce bâtiment glacial alors que, ma mère et moi espérions seulement la tranquillité. Enfin, cette sensation singulière, de ce matin où je fixais la ville par l'entremise de la bais vitrée, où toute cette agglomération semblait vide, totalement dénué de la fascination que j'avais toujours eu pour elle.

Cette résurgence opéra comme une thérapie à remodeler ces petits traumatismes successifs qui m'avait jusqu'alors échappé, telle une transmutation chirurgicale, à intégrer des parts inconscientes et créer de nouveaux ancrages.

Délesté de ces pesantes chimères, la sensation de flottement et de bien-être, telle une libération, habitait cet espace transitoire, alors qu'en fond je sentais les cinq derniers grammes de Psilocybine se confondre entièrement aux précédents déjà unis à mon hémoglobine, et abattre les derniers freins qui contenaient encore l'EP. C'est donc dans une sérénité entière que je me laissais happer par la singulière et ultime vague initiée par le grand Poséidon fongique.

C'est au cœur d'une gigantesque foret verdoyante que ma conscience est guidée, lors d'une nuit étoilée. Mon existence se mêla à celle de l'individu présent au milieu de cette jungle. Ses souvenirs cohabitaient avec les miens. Je n'étais pas simple spectateur de sa vie, j'héritais de sa mémoire, je ressentais les émotions qui le traversaient, j'avais vécu ce qu'il avait parcouru, en un mot j'étais lui. Un guérisseur ancestrale, qui ne semblait pas vivre dans notre temporalité, mais bien dans une réalité parallèle solarpunk futuriste. Même si je semblais être en tout point banal, mes capacités étaient colossales et particulières. Seul, posé dans cette foret à bosser sur une incantation, mon regard se leva vers la voûte céleste. A travers le sommet des arbres, la voie lactée me connectait à une civilisation extraterrestre. Un peuple avancé en tout point, une tribu qui était la mienne. J'étais un humain qui, dans son essence, faisait partie de cette communauté astral. Sa nature, au fur et à mesure de ce lien exposé, devenait insaisissable et flou, où l'ancestrale et le futur épuré se lovaient.

Progressivement, la scène s'effaça pour laisser place à la confusion et sceller la fin des effets psilocybiens. Alors que j’intégrais mes esprits, encore assis en tailleur, je sentis les pattes de Wish qui s'installa sur mes jambes. Quand j’enlevais mon bandeau, cette petite boule de poils dormant sur moi fut la première chose que je vis. Comme s'il avait attendu mon retour de ce voyage intérieur pour venir m'apporter son réconfort, son soutien après cette traversée éprouvante.

Au sujet des migraines, les répercutions furent mitigées. Il est indéniable que ce dosage conventionnel permit d'éloigner radicalement toutes saisies migraineuses potentielles, durant une période d'un peu moins de trois semaines. Or, contrairement au micro-dosing qui permet de maintenir ce champ d'action constant, j'ai vu, par le macro-dosage, la force des Psilocybes, au bout de deux semaines, s'amoindrir puis s'effacer entièrement. Il permait d'éviter le micro-dosing (Sollicitation répétée des récepteurs 5HT2B), mais renferme une traversée éprouvante.