jeudi 20. février 2025
Il était de ceux dont le départ à la retraite laisse un vide abyssal. Stephan Pietrons n’était pas qu’un vétérinaire. Il était de ces figures tutélaires que l’on ne songeait pas à voir partir. Un pilier, un repère, un éclat d’humanité qui, pendant quarante ans, aura veillé sur les plus vulnérables, les invisibles, ceux qui n’ont ni voix, ni droits, ni recours : les animaux.
Dans un monde où la médecine vétérinaire a troqué le soin contre le protocole, la compréhension contre l’automatisation, la compassion contre le rendement, il faisait figure d’exception. Il n’était pas de ceux qui alignent les examens superflus pour remplir une facture. Il était de ceux qui écoutent, qui regardent, qui comprennent, qui soignent avec la seule arme qui vaille : l’expérience et le cœur.
Son cabinet n’était pas un cabinet. C’était un havre, un lieu où la médecine vétérinaire prenait tout son sens. Un espace aux murs saumonés, hors du temps, où chaque consultation se tissait de discussions sur la biologie, le cinéma, et la vie. Car Le Dr Pietrons ne soignait pas seulement les bêtes. Il prenait soin des âmes.
Il en fallait, de la patience, de la générosité, pour répondre toujours présent. Pour ouvrir quelques fois ses portes en dehors des horaires, pour accueillir les animaux blessés, pour se battre contre l’inéluctable, pour panser le corps et alléger la fin quand il n’y avait plus d’autre issue. Combien d’êtres vivants doivent leur survie à ce vétérinaire sans artifices, armé d’une simple radio, d’un automate rudimentaire, et d’une connaissance qu’aucun algorithme ne saurait remplacer ? Je fus témoin de toutes ces vies sauvés in extremis, quand d’autres cabinets, froids et procéduriers, les auraient laissés pour morts au nom d’une procédure aveugle ?
Nous avons trop peu de figures comme lui, et déjà, elles disparaissent sous l’ombre croissante des cliniques aseptisées, où l’on ne voit plus un animal malade, mais un client solvable. Où l’on soigne moins qu’on ne facture. Où l’on prescrit plus qu’on ne comprend.
Aujourd’hui, son absence laisse un vide. Immense. Brutal. Non seulement pour ceux qu’il a accompagnés, mais pour ce que son départ symbolise. Il était de ces êtres qui rappellent que la médecine n’est pas qu’une science, mais un art, un engagement, une relation. Une humanité.
Il habitera toujours la mémoire de ceux qui ont croisé sa route. Dans le regard d’un chat sauvé. Dans le silence de ceux qu’il a accompagnés vers la fin. Dans les souvenirs d’une époque où l’on soignait encore par nécessité et non par opportunisme.
À jamais, vétérinaire. À jamais, humain.