Les Connexions au Vivant

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Disclaimer: Ce témoignage n’a en aucun cas vocation à promouvoir ou encourager l’usage de substances psychédéliques, dont la consommation demeure illégale en France et dans de nombreux pays. Ce retour d’expérience s’inscrit dans une démarche de réduction des risques et de compréhension des effets dans un contexte strictement personnel. Il est impératif de rappeler que ces substances, bien que prometteuses dans le champ de la recherche médicale et thérapeutique, peuvent comporter des dangers significatifs, notamment en cas de mésusage ou d’antécédents médicaux incompatibles. Toute expérimentation doit se faire sous un suivi médical approprié et avec l’accord d’un professionnel de santé.

Protocole

Hericium erinaceus: 500mg/jour | Niacine(B3): 16µg/3jour | Psylocybe Mexicana (Sclerotes): 1g/3jours | Durée: 1 mois

Contexte

Ce sont les circonstances et la curiosité qui m'ont guidés vers le monde des psychédéliques. Ces étendues qui, une fois approchées, vous condamnent aux préjugés, à être marqué d'une indélébile odeur soufrée. De tristes stigmates à embrasser, comme lourd prix à payer, pour accéder à ces frontières criminalisées, à l'orée de cette médecine ancestrale si injustement étrillée.

Cactus San Pedro (Echinopsis pachanoi), Champignons Psilocybe, plantes maitresses, ainsi que l'Ayahuasca, Mère du règne végétal, font partie des entheogénes qui, depuis la nuit des temps, murmurent le savoir à leurs gardiens, les chamanes, pansent les esprits ainsi que les corps rongés, et délivrent des pans complets de dimensions supérieures à une humanité sourde, aveugle et sclérosée. Nous savons que les Aztéques et les Mazatéques firent de l'usage des Psilocybes, pour leurs présupposés divinatoires, la clef de voûte de leurs cérémonies spirituelles.

Aujourd'hui, l'usage des psychédéliques s'inscrit en un troublant paradoxe. Celui de leur prohibition la plus stricte, alors que partout dans le monde un nombre croissant de laboratoires pharmaceutiques et instituts de recherche investiguent et publient de solides études réaffirmant les bénéfices connus de ces différents principes actifs (non addictifs), et découvrant de nouvelles potentialités thérapeutiques (pour traiter la dépression résistante, l'anxiété, les TOC, l'alcoolisme, les SSPT, par exemple). Un faux-semblant qui atteint son climax alors que nous savons le micro-dosage de psychédéliques devenu pratique courante dans le domaine de la Tech', de la Silicon Valley à tous ses clusters mondiaux, ainsi qu'en les plus hautes sphères de la création artistique.

Alors, couplé à l'attrait pour ces paradis artificiels, et la promesse qu'ils renferment dans l'exploration de la conscience, c'est la nécessité qui fut le point de bascule à mes premiers pas sur ces terra incognita. Vous le savez, d’atroces migraines, depuis ma jeunesse, se sont ancrées à ma vie. Comme évoqué lors d'un précédent article, cette mort lente reste une terrible dance sur une ligne de crête tranchante, entre puissants antidouleurs aux effets secondaires importants et ineffables crises de douleur qui emportent jusqu'à l'Etre, qui pousse à envisager l'alternatif comme palliatif. Ma plongée dans le sujet des psychedeliques, par l'ingurgitation compulsive d'études, d'articles, de TR, m'apprit qu'un nombre croissant de patients frappés d'AVF (aussi appelées, sans hasard, "migraines suicidaires") faisaient usage du LSD, de psilocybine ou d'Ayahuasca pour faire taire ce monstre enragé. Le saisissant témoignage de Juan PABLO reste incontournable pour comprendre l'ampleur de ce combat quotidien.

Microdosing de Psilocybine

Les récits des précurseurs, croisés aux preuves scientifiques, ont nourri un feu qui dévora mes appréhensions restantes. Le microdosing, défini comme la prise régulière de doses sub-psychoactives, m’apparut comme une option accessible et prudente pour explorer cette terra incognita. Les doses faibles (1g de Psilocybe Mexicana tous les trois jours dans mon cas) ne provoquent aucun effet hallucinatoire, mais promettent d'agir sur des récepteurs cérébraux essentiels, notamment les récepteurs 5-HT2A, souvent impliqués dans les migraines.

Partant d'une page vierge, je m’appuyai sur le protocole proposé par Paul Stamets, adapté à mes contraintes personnelles : alternance entre jours de prise et jours de repos, ajout de niacine et d’Hericium erinaceus pour soutenir la régénération neuronale, tout en réduisant les doses de niacine à cause de son effet vasodilatateur, potentiellement aggravant pour mes migraines. Mon objectif, je le rappel: un équilibre fragile entre prudence et expérimentation.

La vie est un champ de possibles drapé de synchronicités, d'une succession de signes nous invitant à suivre les opportunités qu'elle nous offre. Un providentiel congé d'un mois s'imposa comme la conjoncture parfaite à déployer ce test, loin de toute responsabilité professionnelle. Un jeûne accompagnant chaque prise de Psilocybe m'apparaissait comme une condition indiscutable à l'accueil de cet organisme sacré et de sa charge ancestrale, comme une forme de respect éthéré mais également pour maximiser ses actions en évitant toutes potentielles interférences alimentaires.

Mais il faut insister sur un point important : le microdosing ne peut, et ne doit, être envisagé sans pauses régulières. Un cycle de quatre semaines, suivi d’un mois de repos (tel que le suggere Stamets), permet d’éviter les excès, notamment celles suggérées par certaines études évoquant des risques potentiels de fibrose cardiaque à long terme (liés à la stimulation chronique des récepteurs 5-HT2B, dans le cadre de consommations prolongées de substances proches, telles que les ergolines ou le MDMA, appelant néanmoins à la prudence pour l'usage répété de la psilocybine). Le respect des pauses et la limitation de cures annuelles demeurent donc des garde-fous essentiels dans cette quête thérapeutique.

Feedback

Mon premier contact avec les Psilocybes fut, à jamais, gravé en ma psyché. A jeun depuis la veille au soir donc, j'ingérais mon premier microdosage dans un petit sous-bois proche de chez moi, il était 12h30. Sur le chemin du retour, une sensation imperceptible commença à s’installer : un relâchement diffus, semblable à celui qu’on peut ressentir après une longue course. Mais rien d’autre. Ni hallucinations, ni distorsions mentales. Mon esprit demeurait lucide, intact. Pourtant, devant mon écran, attelé à un exercice d’écriture, un phénomène insoupçonné surgit : des idées nouvelles, jaillissantes, accompagnées d’un torrent d’interconnexions. Ma créativité d’antan, qui semblait s’être éteinte dans le tumulte des années, venait de renaître. Les barrières mentales, construites au fil des conditionnements inconscients, s’effondraient une à une, me libérant des chaînes d’un mental corseté. Ces Psilocybes ne m’avaient rien ajouté, ni déformé, mais avaient plutôt révélé ce qui était là, étouffé. Leur action était celle d’un éclaireur : ils ouvraient la voie, mais il me reviendrait, dans un second temps, de la parcourir, d’identifier ces armures et de les désarmer pour de bon.

Mais leur bienfait ne s’arrêta pas à cette renaissance mentale. Sur mes migraines, leur effet fut presque miraculeux. Durant ce mois, seulement trois jours de crises m’assaillirent, là où une dizaine auraient dû ravager mon être. À chaque début de douleur, je sentais l’esprit de ces Psilocybes agir comme une main invisible, posant sur mon front un baume d’apaisement. Ces effets positifs et incontestables sont confirmés par de nombreux témoignages similaires dans des communautés de migraineux (et derniérement par le post de LutrinaeHabilis), ainsi que par des publications scientifiques émergentes.

Le protocole de Stamets m’a également offert d’autres perspectives intrigantes. Lors de passages dans certains lieux ou de confrontations à des situations particuliéres, je fus frappé par des émergences spontanées : souvenirs enfouis, associations inattendues, comme si ces endroits étaient des points nodaux d’une toile invisible, interconnectée par un maillage profond de l’inconscient. Cette impression, difficile à décrire, m’évoquait un réseau souterrain de correspondances, où chaque lieu et chaque sensation semblait dialoguer avec d’autres, à travers le temps et l’espace.

Enfin, je ne saurais passer sous silence la légèreté psychologique et le recul qu’offre le microdosing. Lorsque des tracas se présentèrent, j’étais surpris par ma capacité à les aborder avec calme et lucidité. Ce n’était pas un détachement froid, mais une sérénité active, me permettant de les traiter avec pragmatisme, sans que l’émotion ne m’emporte.

Cette expérience fut une révélation. Elle m’a montré que les Psilocybes ne sont pas des maîtres, mais des guides. Ils n’imposent rien, ne transforment rien, mais ouvrent des fenêtres que nous avions oubliées. Ils nous rappellent que, même dans les ténèbres les plus profondes, une lumière persiste, prête à nous accueillir, si nous avons le courage de la chercher.