Les Connexions au Vivant

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Les lieux résonnent comme une thérapie. Miroirs vers nos infinis, ils nous happent dans les abysses de nos pensées, de nos souvenirs, de moments de vie, en des endroits introspectifs où les couleurs, les odeurs et les émotions, intacts, nous saisissent. Certains, plus subtiles, renferment une nature inaccessible. Nous laissant dans la seule confusion d'une sensation, d'un vague écho qui en tout point dépasse l'existant, d'une profonde conviction mêlée d'un passé éthéré, impersonnel ou d'un futur déjà vécu. Tous ces égrégores, par leurs liens tissés, constituent une insondable toile psychique aux étendues divines. Voyager, découvrir de nouvelles destinations c'est, dans cet immatériel, créer de nouveaux maillages, établir de nouvelles connexions.

De l'immonde vasière où la pourriture et la violence m'enserraient, un appel jaillit. Un cri intérieur déchirant ces sombres marécages humains pour insuffler une inégalable libération: Fuir l'hypoxie, s'extraire de cette boue acide et, le temps d'un instant, tout lâcher, embrasser la vie, se ressourcer.

À peine arrivé en terre Catalane, le dépaysement s’empara de mon esprit. Les montagnes, colossales, se dressaient telles des forteresses gardiennes du secret, de l'Espagne. Ce fut un choc, un envoûtement. Là, sous ce ciel infini, tout semblait possible. Et au cœur de ce monde nouveau, Zoê HABABOU m’apparut, guide lumineuse, prêtresse des mondes cachés. Elle, qui a parcouru des contrées bien plus mystérieuses encore, celles de l’esprit, m’accompagna dans cette exploration des cieux et des abîmes.

Pendant ces quelques jours, nous avons partagé bien plus que des chemins escarpés ou des ciels azurés. C’était un partage d’expériences, de vie. Un dialogue profond où chaque parole résonnait comme un écho lointain de nos propres quêtes existentielles. Zoê, dans sa bienveillance infinie, a tout laissé de côté pour me porter dans ces expéditions. Ses attentions, ses gestes, ses mots : tout était une invitation à la transformation.

Le soleil était notre ouateux gardien, ses rayons chauds nous berçaient. Sous nos pieds, les mondes se succédaient. L'air saturé en iode nous guidait, alors que nous longions les cotes abruptes, que nous dansions sur ces lignes de crêtes, les éléments se déchaînaient: les vents violents, une roche tranchante, des arbustes asséchés et perçants, le vide et une mer avalant l'horizon tentaient de nous faire vaciller, nous atteindre, nous frôler. D'un coup, l'infect nous englua. Une tragique dégueulée de touristes grouillait sur de glaçants et vertigineux bâtiments sans vie. Une Terre-Mère, sur des kilomètres, sans retenu, éventrée et ravagée. Le pillage, la gangrène humaine à son climax, à chaque centimètre carré. Ad nauseam.

Nous traversions au plus vite cette zone asphyxiée pour rejoindre des chemins évidés de toute présence, plus apaisés, où le vivant de nouveau s'exprimait. Des arbres et de grands cactus jalonnaient les sentiers vers une chapelle isolée, perchée au sommet d’un chemin escarpé. Loin de la fureur du monde, nous avons trouvé refuge dans ces murs silencieux. Le temps s’arrêtait, et dans cet espace suspendu, nos âmes se recueillaient en silence. Sur le trajet de notre dernière destination, d'improbables champs de vignes, peu à peu, devenaient omniprésent, comme un message laissé.

Puis il y eut ce jardin, ce parc botanique, une sorte d’éden dissimulé au sein d’un monde en ruine. Dans cette cathédrale naturelle, tout semblait respirer une paix que je n’avais plus connue depuis longtemps. Et à chaque instant, Zoê était là, guide et protectrice, un phare dans cette tempête intérieure.

A ces derniers moments, un signe du destin : un petit être fragile, abandonné, que nous avons recueilli. Ce chaton, si frêle, portait en lui la grâce des innocents et l’écho des légendes. Il n’y avait d’autre nom pour lui que Wish (une de ses toiles, chez Zoê, le matin même, m'avait sans hasard attiré). En cet instant, je ressentis la présence de cet autre monde que Zoê avait tant exploré avec lui, ce chamane disparu mais toujours vivant dans nos mémoires. Le petit Wish devint un symbole, une trace indélébile laissée par l’esprit de cet homme aux dons si puissants.

Ce voyage fut bien plus qu’une simple errance. Ce fut une initiation. Zoê, par son humanité vibrante, fut l'alchimiste qui changea le plomb en or, le temps en expériences précieuses.

À elle, aux montagnes, aux cieux, à Wish : ma gratitude, infinie et éternelle.